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LA GESTION RAISONNEE DES RISQUES SANITAIRES MAJEURS A L’AUNE DU PRINCIPE DE SECURITE JURIDIQUE : PLAIDOYER POUR UNE VISION BIO- RESPONSABLE MONDIALE DES RISQUES SANITAIRES ENVIRONNEMENTAUX ET LEUR REGULATION

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Par Laure SINGLA, docteur en droit - membre du CIDCE - Expert Près la Cour d'Appel de Montpellier - membre CNEJE - Médiateur ANM Près les juridictions - membre fondateur CEMJ Médiateur - Expert Environnement et Biodiversité référencé Secteur aéronautique France AVSA-SNPNC-SPL - Médiateur-Expert Immobilier-Construction durable référencé Secteur Immobilier France - Chargée d'enseignements universitaires.

En cette année du Rat, aucun bookmaker, voyant ou grand économiste n’avait prédit qu’un virus dénommé par l’INRS de « Coronavirus MERS-CoV (Middle East respiratory syndrome coronavirus). », petit agent pathogène appartenant à la famille des Coronaviridae (bêta-coronavirus) mettrait à mal tout le système économique mondial.

Force est de constater que pour la France, six ans après la suspicion de cas d’Ebola sur l’Île de La Réunion, les points constatés relatifs aux insuffisances hospitalières comme ceux pour la gestion des stockages et des approvisionnements logistiques en matériels fondamentaux d’appui à toute crise, restent des points cruciaux pour lesquels des solutions « sparadrap » ont été prises.

Or, les agents pathogènes représentent un risque pour la santé et la sécurité humaines, en termes de sécurité et de sûreté biologique Et d’atteinte à l’intégrité d’un territoire. C’est donc au nom du principe de sécurité juridique, pilier des institutions et garant d’un système juridique équitable, que les risques environnementaux furent au cœur de la convention d’Aarhus du 25 juin 1998[1], en consacrant trois droits fondamentaux[2] pour les citoyens et les associations.

C’est aussi dans cette même logique que pour réduire ces risques sanitaires biologiques, tout en permettant les progrès de la science et de la recherche, la France, pionnière en gestion des risques[3], avait adopté dès 2001 un cadre réglementaire actualisé en 2010[4] portant sur les Micro-Organismes et Toxines (M.O.T) hautement pathogènes. Ceci a permis d’insérer des 2001 dans le code de la santé publique deux annexes reconnaissant des virus dangereux[5] susceptibles alors de déclencher un jour un plan gouvernemental dénommé « Pirate-NRBC[6] » S’inspirant des fiches Biotox[7] conçues pour les praticiens (ancien plan BIOTOX), le principe de biosécurité sanitaire était implicitement reconnu sans pour autant être consacré et inséré dans le code de l’environnement.

Vingt-deux ans après la convention d’Aarhus, actuellement en cours de modification[8], dix-neuf ans après la mise en place du cadre des M.O.T réactualisé un an après l’épisode de la grippe H1N1 géré par le ministère de Mme Bachelot, l’épisode d’Ebola en 2014 sur l’Île de la Réunion et en 2020 la pandémie du covid-19, force est de constater une flagrance en terme de stratégie sécuritaire sanitaire en cas de pandémie accidentelle, de non déclenchement de dispositif, et une information environnementale bien malmenée.

Au-delà des réflexions d’ordre individuel et émotionnel qu’imposent le confinement, se posent des questionnements collectifs plus techniques sur les capacités des États à raisonner en termes de gestion et d’information sur les risques environnementaux majeurs.

Pour la France, l’article 1 de la loi 2001-1062 du 15 novembre novembre 2001 relative à la sécurité quotidienne définit la sécurité comme « un droit fondamental. Elle est une condition de l’exercice des libertés et de la réduction des inégalités. A ce titre, elle est un devoir pour l’État, qui veille, sur l’ensemble du territoire de la République, à la protection des personnes, de leurs biens et des prérogatives de leur citoyenneté, à la défense de leurs institutions et des intérêts nationaux, au respect des lois, au maintien de la paix et de l’ordre publics… ». Le Conseil constitutionnel a retenu que la sécurité avait un objectif à valeur « constitutionnelle […][9]». Le droit fondamental de vivre dans un territoire sécurisé est donc devenu un objectif principal de l’action publique dans l’identification de tous risques portant atteinte à la sécurité du territoire. La notion juridique de « risque » sera dans les années à venir un argument de poids dans toutes les procédures qu’il suffira simplement de démontrer. S’agissant de l’identification des risques en matière environnementale, force est de constater que la tâche sera alors immense car ces derniers présentent un aspect complexe car transversal. Les atteintes ne restent pas isolées et se répercutent, créant ainsi un phénomène de domino, « effet papillon », générateur d’insécurité juridique[10].

Le droit d’accès aux documents administratifs et donc à l’information environnementale détenue par les autorités vient d’être consacré par le Conseil constitutionnel[11] au nom de l’article 15 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen (DDHC) de 1789. Déjà consacré par le Conseil d’État en 2002[12] au nom des libertés publiques, cette information est désormais censée être « communicable sans délais ». Ceci représente une avancée majeure entrant ainsi dans l’évolution de la convention d’Aarhus[13] et permettant à cette année 2020, d’être une année-bascule pour tendre vers une vision bio-responsable mondiale. Notamment en termes de sécurité et sûreté biologique, et donc sanitaire. Par le dialogue et la raison.

Il s’agit donc de porter un regard bienveillant pour les générations actuelles et futures sur les modes opératoires observés. En termes d’une part d’identification retenue des risques environnementaux majeurs, notamment sanitaires. Et d’autre part en terme de nouvelles stratégies à suggérer.

I- Mode d’identification actuel des risques sanitaires majeurs et des dispositifs déployés

Il n’est pas déraisonnable d’expertiser la capacité nationale et internationale de force de frappe applicable en cas de pandémie mondiale suite aux événements SRARS-CoV, MERS-CoV ou ceux suscités par les virus H1N1, et autres grippe aviaire H5N1. Or, certains[14] avaient averti de ce danger au lendemain du SRARS-Cov[15]. Malgré ce, les suspicions d’un tel scénario n’ont pas été véritablement et correctement expertisés de façon transversale. La question est de savoir pourquoi.

  • Flagrance de la non-reconnaissance du risque sanitaire majeur accidentel

 Le XXème siècle a connu de grandes vagues de pandémies virales infectieuses mondiales comme la grippe espagnole[16] et ses 40 millions de mort, la première apparition du virus H1N1 en Chine en 1918 et ses victimes célèbres[17], la grippe asiatique en 1956 par les virus H1N1 et H2N2 et ses 4 millions de victimes, la grippe de Hong-Kong[18] par son virus H3N2 et ses 1,5 millions de victimes. Et le XXIème siècle connaît depuis 20 ans, l’épidémie du SRAS[19] et celle du virus H1N1 en 2009[20]. L’Afrique, à elle seule a enregistré 3 grandes épidémies entre 1969 et 2014 : la Fièvre de Lassa au Nigeria en 1969, l’épidémie de méningite bactérienne en 2009 et celle d’Ebola en 2014.

Nous vivons donc depuis des siècles avec le risque sanitaire permanent.

Et sommes loin des grandes épidémies moyenâgeuses de la variole, la peste et la rougeole grâce aux avancées scientifiques qui ont permis leur neutralisation au moyen de vaccins.

Pour autant, il convient de retenir une chose importante : ces pandémies étaient accidentelles, sectorielles et rapidement neutralisées par un vaccin. Le Covid-19 est une première exception. Il y en aura d’autres. Il faut donc revoir rapidement les failles sous l’angle de l’expertise en comprenant les modalités d’expertise traditionnellement retenues.

 

            1- Observations sur les modalités d’expertise traditionnellement retenues 

S’agissant du Covid-19, il convient de rappeler que ce type de virus, fait partie d’une large famille incluant des virus responsables de simples rhumes mais aussi, le plus connu, SRAS induit par le virus SARS-CoV. L’INRS nous apprend que « le Coronavirus MERS-CoV est une souche particulière jamais encore identifiée chez l’homme, apparue en 2012 en Arabie Saoudite, non encore classé. ». Il s’agit donc d’un agent pathogène naturel dont le réservoir reste l’animal et l’homme. Cette forme de grippe infectieuse reste saisonnière pour l’OMS[21]. Et la grippe saisonnière tue chaque année en France entre 10 000 et 15 000 personnes fragiles par an contre 36 000 aux États-Unis[22]. Sans pour autant mettre en péril le système économique mondial.

C’est donc dans cette logique que toute nouvelle pandémie d’ordre accidentel reste expertisée sous l’angle de l’événement exceptionnel, rare. Et pouvant être neutralisée. Et le Covid-19 a été au départ expertisé de cette manière.

L’idée de pandémies intentionnelles (non accidentelles) liées à des actes de guerre ou de terrorisme n’est pas nouvelle. Soixante-dix ans après le massacre des poilus au gaz moutarde durant la première guerre mondiale, l’idée a resurgi en temps de paix après le massacre par arme chimique des habitants d’Halabja (Irak) en 1988. C’est donc pour pallier cette typologie de pandémies qu’a été adopté en 1992 par les Nations-Unies[23] une convention portant sur l’interdiction de la mise au point, de la fabrication, du stockage et de l’usage des armes chimiques et sur leur destruction. Trois ans plus tard, l’attentat au gaz sarin dans le métro de Tokyo en 1995 a plongé le monde dans une nouvelle réflexion qui a eu pour conséquence la création d’un dispositif mondial de riposte par États appelé CBRN device[24] ou dispositif NRBC[25](France). Ce dispositif efficace et réactif repose ainsi sur l’identification de toute menace, intentionnelle en termes de terrorisme, d’ordre chimique, nucléaire, biologique. Chaque service ayant une mission de sécurité et tranquillité publique (Armée, pompiers, police, gendarmerie) a donc été doté d’une cellule NRBC spécifique.

Par conséquent, la pandémie sanitaire mondiale provoquée par le Covid-19 reste une menace d’ordre accidentelle et non intentionnelle. Cette menace, non répertoriée dans le dispositif précité, n’entre donc pas dans la catégorie des menaces permettant le déclenchement des dispositifs sécuritaires type NRBC ou de plans de prévention autres. Elle n’est donc pas qualifiée juridiquement dans cette logique comme une possible atteinte à l’intégrité d’un territoire au sens du droit interne actuel[26].

            2- Observations sur les stratégies retenues jusqu’en 2020

Il faut rester humble et observer que cette erreur reste mondiale. Car elle repose sur une logique prédéfinie. Sans véritable stratégie solidaire sur le plan sanitaire mondial. L’Europe reste donc bien loin des discours en la matière (Schengen, RGPD…). Même si la Banque centrale européenne (BCE) a compris la mesure de l’impact économique de la pandémie. Même chose pour nos amis américains, russes et indiens.

La question reste donc de savoir comment les États vont s’organiser à compter de la sortie de cette crise. Quid du « Jour d’Après » ?

Pour y répondre, il faut d’abord comprendre que les pandémies sanitaires majeures présentent un caractère accidentel qu’on a catalogué un peu trop hâtivement de « rares » et qu’à ce titre, on n’a pas véritablement retenu leur gestion dans les dispositifs sécuritaires actuels.

Est-ce par ignorance ou par oubli volontaire ? Car les États ont tous accepté à tort ou à raison que leurs systèmes économiques reposent sur une logique issue de la théorie du bénéfice-risque d’après-guerre pour expertiser leurs risques sous l’angle de cette théorie retenue dans le mécanisme juridique de la réparation d’un dommage. On a banalisé tous les risques[27]  depuis 1989[28]. Pour réparer a minima, dans un soucis d’économie et de rentabilité. Et cette logique se retrouve dans la logistique hospitalière notamment. 

Or les risques environnementaux démontrent la faille de cette « stratégie de la rentabilité » en fragilisant tous les pans économiques. Logistique défaillante sur le matériel de protection…à l’heure d’une société numérisée à outrance. Ainsi, cette banalisation a limité la force d’impact des risques environnementaux notamment sanitaires, sur le plan économique, en cas de pandémie majeure accidentelle. Et l’expérience du Covid-19 doit permettre de réfléchir à cela car qui peut prédire que ce risque sanitaire trop vite qualifié d’« exceptionnel » ne se reproduira pas prochainement? Surtout à l’aune du réchauffement climatique et du dégel de zones glaciales regorgeant d’agents pathogènes inconnus.

B  État des dispositifs déployés découlant de l’identification retenue

La chronologie pandémique de ces deux derniers siècles rappelle que nous vivons avec le risque sanitaire permanent. Et que le risque pandémique majeur accidentel était prévisible depuis 2001 sans que pour autant, les États par leurs spécialistes et grands stratèges contemporains, experts civils comme militaires, n’aient anticipés sa gestion pour pallier des déviances économiques dangereuses. Le monde a donc peut-être joué à la roulette russe. Par soucis de rentabilité et au détriment du principe de sécurité et de sûreté. Le constat de dispositifs existants en cas de pandémie sanitaire majeure accidentelle est simple et les dispositifs existants en cas de pandémie sanitaire majeure intentionnelle pourraient eux aussi avoir leurs limites.

            1- Constat de dispositifs existants en cas de pandémie sanitaire majeure accidentelle

L’Organisation Mondiale de la Santé a établi les principales menaces infectieuses depuis le début du 21ème siècle et les mécanismes de collaboration pour les combattre[29] au travers de trois outils internationaux de santé publique : l’Alliance Mondiale pour les Vaccins et la Vaccination (GAVI) crée en 2000, le Règlement Sanitaire International (RSI) en 2005 et le Cadre de préparation en cas de grippe pandémique (PIP Framework) en 2011. Elle dispose aussi d’un réseau mondial d’alerte et d’action en cas d’épidémie (GOARN), dispositif technique de collaboration interinstitutionnel pour identifier et confirmer rapidement les épidémies de portée internationale. Le Règlement sanitaire international est donc un accord juridiquement contraignant visant à protéger la communauté mondiale contre les risques pour la santé publique et les urgences de santé publique qui s’étendent au-delà des frontières. Et le Cadre de préparation reste un plan d’amélioration des ripostes choisies en cas de grippe pandémique. Qui fut utilisé notamment pour la gestion du virus H5N1.

Or, malgré ce, si on regarde les dispositifs existants en cas de pandémie sanitaire majeure accidentelle, le constat peut s’avérer déroutant : il n’y aurait véritablement aucun. Malgré les outils internationaux précités, cette typologie de catastrophes n’aurait jamais fait l’objet de la moindre échelle pouvant mesurer l’intensité des phénomènes sanitaires comme celles existant pour les phénomènes naturels[30]. Elle n’aurait pas fait non plus l’objet de guides de conduites, manuels pour les professionnels de la santé similaires à ceux existants en médecine des catastrophes existants, notamment en France depuis 1994[31] , ou en médecine dans des services d’élite type RAID[32].

Elle n’aurait pas fait pas non plus l’objet d’exercices spécifiques types RETEX pour la France, qui auraient pu permettre d’améliorer des planifications d’urgence dans le cadre des plans adaptés type ORSEC comme ceux prévus pour les catastrophes naturelles depuis 2004[33].

Enfin, pour la France, elle n’a fait l’objet d’aucun avis de la Direction Générale de la Sécurité Civile et de la Gestion des Crises (DGSCGC), remplaçant depuis 2014 la Commission Centrale de Sécurité (CCS)[34]. Alors que depuis le 1er janvier 2014, la DGSCGC côtoie la Direction Générale des Collectivités Locales, la,Direction Générale de la Police Nationale, et la Direction Générale de la Gendarmerie Nationale).Et que le service de l’achat, des équipements et de la logistique de la Sécurité intérieure (SAELSI), commun aux directions générales assure les missions d’achat et de gestion des stocks de matériels. Et que la DGSCGC a sous sa tutelle l’École nationale supérieure des officiers de sapeurs-pompiers (ENSOSP).

Les mesures d’urgence adoptées sans véritable stratégie sécuritaire par chaque pays auront eu certes le mérite d’exister mais seront vraisemblablement toutes critiquées dans la période post-deconfinement. Car la question qui se posera résidera dans les mois à venir sur les raisons de cette absence alors que les États disposent de moyens de riposte et de services spécialisés. Alors est ce une faille systémique d’ampleur ? Les réponses sont de trois ordres.  

La première réponse qu’on pourrait donner repose d’abord sur le caractère rare et sectorisé de cette typologie de risques qui rappelons avaient toujours été neutralisés par le biais de vaccins et d’éradication sectorielle. Comme on peut le lire dans le douzième programme général de l’OMS. L’organisation ne mise que sur des activités de prévention, de préparation, d’intervention. Or le covid-19 reste une exception, car d’un phénomène sectoriel, il s’est transformé rapidement en phénomène pandémique grâce en grande partie au transport aérien et maritime.

La seconde réponse qu’on pourrait formuler est plus économique. On a pensé à tort à l’improbable perfectibilité opérationnelle de la Chine, fournisseur mondial de médicaments et matériels, jusqu’alors opérationnelle par tous temps et dont la principale province logistique a été paralysée. L’économie mondiale actuelle reste étroitement tributaire de la Chine et personne n’avait anticipé que la Chine pourrait être paralysée et que cette paralysie impacterait le pan économique et sociétal international.

La troisième réponse qu’on pourrait retenir est plus stratégique. Elle repose sur l’observation d’une expertise non transversale de ce risque à l’aune de cinq facteurs : l’état sanitaire mondial, la volonté internationale, la configuration mondiale, les acteurs internationaux et l’organisation opérationnelle à retenir. Même si cela fait redondance, le premier facteur n’a pas pris en compte l’existence de ce risque depuis dix-neuf ans. Les trois autres facteurs démontrent que la nature « accidentelle », donc « non intentionnelle » et « exceptionnelle » de ce risque sanitaire majeur n’a finalement pas été prise en compte. Ce qui explique par conséquent que le cinquième facteur ait été aussi peu opérationnel.

            2- Failles des dispositifs existants en cas de pandémie sanitaire majeure intentionnelle 

Sans faire un descriptif fastidieux, il convient de rappeler qu’une pandémie sanitaire majeure d’ordre accidentel reste une menace non intentionnelle ne déclenchant pas sur le plan international comme le droit interne le dispositif NBC seulement applicable en cas de menaces intentionnelles (actes de terrorisme) d’ordre nucléaire, radiologique, biologique ou chimique.Pourtant pour ces derniers, la France a démontré qu’elle était en capacité de porter une « doctrine nationale d’emploi des moyens » de secours, notamment en matière de risques majeurs chimiques[35].. Dans le cadre de ce dispositif apparaît ainsi depuis 2014, le Centre national civil et militaire de formation et d’entraînement aux événements de nature nucléaire, radiologique, biologique, chimique et explosive (CNCMFE)[36]. Basé à Aix en Provence, ce dernier a des objectifs depuis 6 ans de « participer à la définition de la politique interministérielle de formation et d’entraînement dans les domaines NRBC-e, d’élaborer une pédagogie permettant la mise en œuvre de procédures conjointes ..[…], mettre en œuvre la formation interministérielle des responsables de haut niveau ainsi que des référents ministériels des zones de défense et de sécurité, mettre en œuvre l’entraînement interministériel ..[…], mettre en place une veille technologique et réalise des études et expérimentations à caractère technique et opérationnel, contribuer à l’expertise européenne et internationale en matière de formation dans le domaine de sa compétence[37]». Ce centre finance des entraînements (EIZ) communs, pour les sept zones de défense. Et travaille à des sessions partagées avec des spécialistes de médecine de catastrophe comme la Société Française de Médecine de Catastrophe (SFMC) et l’École nationale supérieure des officiers de sapeurs-pompiers (ENSOSP)[38] .

Pour autant, trois constats sur ce dispositif : la première repose sur de trop rares exercices communs[39] qui pourraient permettre le décloisonnement du dispositif. Le second pose la question de l’absence d’appel à ces spécialistes avec la pandémie du covid-19 : le comité scientifique institué depuis le 11 mars dernier n’est pas doté de spécialistes de terrain en médecine de catastrophes, ou de spécialistes civils et militaires NRBC, ou en risques majeurs. Le troisième repose sur ses limites propres. Notamment en termes de logistique et de matériel. Car ce dispositif interarmées, interministériel et interallié, doté de moyens sophistiqués de détection, de prélèvement, de reconnaissance et de moyens de modélisation et de décontamination a fait l’objet de retours de ses propres spécialistes, qui portent à réflexions.  Et si on prend l’exemple du dispositif NRBC propre à l’Armée française, corollairement au Centre national civil et militaire de formation et d’entraînement aux événements de nature nucléaire, radiologique, biologique, chimique et explosive (CNCMFE), a été créé cinq mois plus tard le Centre Interarmées de la Défense Nucléaire, Radiologique, Biologique et Chimique (CIA NRBC), localisé à Saumur[40]. Dont la mission principale était de garantir aux armées la maîtrise des capacités de défense NRBC[41]. En qualité d’expert référent NRBC auprès des armées. Ce centre apporterait donc depuis 6 ans son expertise dans l’évaluation du niveau de préparation opérationnelle des unités de la défense NRBC spécialisée. Et la mission de la DGA reposerait donc sur la « maîtrise NRBC » incluant ainsi sur l’expertise dans le domaine des risques biologique (B) et chimique (C), l’expertise et l’évaluation des systèmes de défense NRBC, l’expertise et l’évaluation du durcissement B et C des équipements, l’expertise dans le domaine de la lutte contre la prolifération des armes B et C, l’expertise dans le domaine de la dépollution et destruction des armes chimiques.

Or en mars 2017, le  colonel Laurent GIOT, commandant le CIA–NRBC déplorait déjà les manques matériels, des difficultés de gestion interne et l’interconnexion des services  : « L’un des points de RETEX NRBC TTA négatif le plus fréquent concerne les équipements de protection :outre des difficultés de gestion récurrentes, ils sont jugés moins prioritaires que d’autres équipements et de ce fait, même les masques ne bénéficient pas systématiquement d’un transport par voie aérienne et sont alors acheminés par bateau, pouvant ainsi arriver plusieurs semaines après le personnel qu’ils peuvent protéger et repartant bien avant eux [42]».

Plus éloquent, cet expert militaire évoquait avec courage le dispositif Sentinelle déployé au lendemain de l’État d’urgence de 2005, au lendemain des attentats de Paris et précisait alors : « Depuis le déclenchement de l’opération Sentinelle,les primo-intervenants sur un événement NRBC dans une grande agglomération, c’est potentiellement toute unité de l’armée de Terre. Cette assertion va à l’encontre de tout ce que l’on enseigne en interministériel où les primo-intervenants sont les pompiers et les forces de sécurité intérieures (FSI) ; l’appel aux armées n’arrivant que plus tard, en dernier recours, lorsque la « règle des 4 i »3 s’applique. Avec Sentinelle, la configuration est différente et les soldats de l’armée de Terre peuvent se retrouver primo-arrivants sur le lieu d’un attentat ayant une dimension NRBC. En outre, dans un tel cas, ils feraient partie des rares intervenants disposant rapidement au minimum d’un masque, voire d’une tenue de protection NRBC complète et seraient parmi les encore plus rares intervenants formés et entraînés…[…] »

Même situation pour la Gendarmerie nationale et la Police nationale. Alors qu’une certification NRBC (nucléaire, radiologique, bactériologique, chimique) de la Réserve volontaire européenne a été crée et qu’actuellement, il semblerait que seule la France dispose depuis 2017 d’une cellule certifiée[43] permettant de disposer de moyens performants et de venir en aide aux populations de façon optimale. Pour autant ce dispositif ne se double pas d’une logistique de transport adaptable en temps de crise.

Quant aux risques majeurs, leur gestion pour la France repose sur trois phases : phase de préparation (planification, entraînement, anticipation), phase opérationnelle et phase retour à la normale (retour d’expérience, soutien des populations…).  Des documents relatifs à l’organisation de réponse de Sécurité civile (ORSEC), au plan particulier d’intervention (PPI), au plan communal de sauvegarde (PCS) et aux exercices et au retours d’expériences sont en ligne.

Pour autant, une pandémie sanitaire majeure n’a pas été retenue comme étant un risque naturel majeur. Il n’existe donc pas de plan ORSEC-Pandémie sanitaire, alors que depuis 1987, le législateur a retenu les incendies comme risques majeurs[44]. Avant d’instaurer en 1995[45] des plans de préventions des risques (PPR) naturels et technologiques. Ce constat est d’autant alarmant que malgré les M.O.T introduits dans le code de la santé publique depuis 2001, aucune disposition propre aux risques sanitaires majeurs n’a pu transparaître en 19 ans dans le code de l’environnement. Ainsi L’article L561-1 ne dispose toujours pas d’alinéa consacré à ce risque et l’article L562-1, alinéa I pourtant modifié en 2012[46] n’a retenu que «L’Etat élabore et met en application des plans de prévention des risques naturels prévisibles tels que les inondations, les mouvements de terrain, les avalanches, les incendies de forêt, les séismes, les éruptions volcaniques, les tempêtes ou les cyclones..[…] ».

Ces failles systémiques traduisent une sous-estimation des risques environnementaux notamment sanitaires pour lesquels l’expérience du Covid-19 doit faire réagir pour entrevoir de nouvelles stratégies.

II- Plaidoyer pour une stratégie bio-sécuritaire transversale à l’aune du principe de sécurité juridique

Le constat étant dressé, que retenir si ce n’est que la France comme le reste du monde ne dispose pas en 2020, de plan de prévention et d’alerte sécuritaire des risques sanitaires majeurs accidentels. Ce constat en droit interne comme international reste identique, en totale contradiction à l’heure de la mondialisation, de l’accélération des modes de transports, des modes de productions, et de la société numérique. Plusieurs propositions peuvent être retenues, notamment en suggérant par le dialogue de repenser transversalement les risques en plaidant pour une approche réellement sécuritaire fondée sur une interactivité nouvelle et axée sur les enjeux endémiques.

A- Suggestions de stratégies structurelles reposant sur une vision juridique bio-responsable

            1- Suggestions d’une autre stratégie d’interconnexion opérationnelle itérative

Rappelons que la question de l’identification du risque d’un préjudice environnemental générateur de risque de préjudice sanitaire posée en 1994, restait liés au degré de dangerosité[47]. Or trois problématiques résident aujourd’hui pour permettre une amorce juridique véritable, cohérente et adaptée. La première est liée aux absences de synergies entre les divers agents territoriaux et les institutions locales, vecteurs de blocages portant sur la complétude administrative, les rivalités inter-services. La seconde découle de la première et reste liée à la notion d’intérêt général mal établie qui nécessiterait d’être redéfinie. Le dernier reste judiciaire, car selon Christopher Weeramantry[48], « la justice manque parfois de vision[49] ».

La première suggestion porte donc sur une logistique opérationnelle itérative en termes de transports adaptable en cas de pandémie, intentionnelle comme accidentelle, pouvant représenter un risque de propagation d’une pandémie. Ici, le souverainisme pourrait être logiquement l’un des grands « gagnants » d’une pandémie, au sens où on maîtriserait les flux des frontières, on recentrerait alors la stratégie sous deux angles : un premier économique autour d’une agriculture locale, d’une protection des pôles économiques. Un second hospitalier autour d’une organisation sanitaire d’urgence solidaire au travers du renforcement et l’élargissement de systèmes comme par exemple celui du « Know Your Patient[50] », pouvant permettre l’absence de pénurie de matériel en cas de menace pandémique majeure.

Cette première stratégie serait donc interactive sur le plan opérationnel et ainsi anticipative, transversale (prive-public) et itérative(civil-militaire). Elle éviterait qu’on tombe dans le piège des scénarios catastrophes type S.A.R.R.A où la supervision artificielle dirigerait les opérations en lieu et place de l’intelligence humaine collective[51]. Elle éviterait aussi qu’on tombe dans celui du Tracking systématique où les libertés individuelles seraient mises en mal.

Pour autant, il convient de rester humble car le défi reste grand pour la mise en place d’un tel dispositif. Et prudent car il faut sérieusement envisager que des scénarios catastrophes comme décriés plus haut ne seraient pas infondés si l’on ne fait rien. Il n’est donc pas déraisonnable de penser qu’aucun État ne peut aujourd’hui comme demain se prévaloir d’être à l’abri d’un tel événement. Et qu’il doit tirer une leçon du Covid-19.

            2- Suggestion d’une autre stratégie transversale d’interconnexion sécuritaire

A la première suggestion s’ajoute une seconde stratégie d’interconnexion sécuritaire qui ne doit pas reposer sur un renforcement irrationnel de l’État, comme dans toute crise sécuritaire – guerre, terrorisme, épidémie –dont le rôle serait valorisé pour le contrôle des populations, l’intervention économique, la santé et la sécurité.  Mais sur le principe de sécurité juridique. Pour tendre en douceur vers une bio-civilisation qui n’existe pas encore. Car après le confinement, nul doute qu’on risque d’assister à l’affrontement national et international entre quatre catégories de population : la première regroupe ceux qui plaident les risques dans leurs revers fatalistes les plus négatifs. La deuxième regroupe ceux qui les contrent. La troisième regroupe enfin ceux qui vont vivre « cloisonnés » au travers d’outils comme le télétravail, la télémédecine, la télé-éducation. La quatrième regroupera tous ceux qui n’adhèrent pas aux trois premières. La première catégorie s’est fait remarquer notamment aux États-Unis. Fin mars 2020 au travers de l’explosion des ventes d’armes et de munitions La seconde catégorie aussi en prônant le retour à l’autosuffisance individuelle. La troisième a vu ses privilèges partagés au profit de la quatrième.

Face à ce constat, il convient de réfléchir autrement pour raisonner avec l’humilité et bienveillance les uns et les autres afin de permettre la bascule de la société actuelle vers une bio-civilisation responsable.  Ici, cette stratégie reposerait sur une interconnexion sécuritaire raisonnée reposant sur la reconnaissance d’un nouveau type de libéralisme : le bio-libéralisme. Plaçant l’Humain et la Nature au centre de l’économie des États. Un cercle de gouvernance bio-responsable. Nous sommes donc dans une approche de bio-civilisation responsable où la démocratie environnementale est au centre. Et où les outils de dialogue comme la médiation vont avoir un grand rôle à jouer[52]. La France pourrait être précurseur dans cette nouvelle stratégie sécuritaire bio-responsable, pouvant s’allier avec la stratégie américaine validée par le président Trump en avril 2020, dite « stratégie du choc[53] » qui, elle, repose sur les limites du néolibéralisme en mettant en avant des acquis des civilisations, valeurs politiques et culturelles pour contrer les tentatives capitalistes d’utiliser les catastrophes naturelles, crises et désastres pour imposer de nouvelles contraintes.

B- Suggestions de stratégies organisationnelles reposant sur une vision juridique bio-responsable

  • Suggestion d’une stratégie reposant sur l’interconnexion organisationnelle

Aux deux premières stratégies peuvent alors s’imbriquer cette troisième suggestion qui repose sur une interaction transversale de tous les services précédemment évoqués formés notamment à la médecine de catastrophes, aux NRBC, comme aux risques majeurs.

D’abord en les élargissant aux risques pandémiques majeurs accidentels. Pour permettre aux dispositifs existants d’intégrer ce risque environnemental exponentiel. Pour mieux préparer les acteurs en termes de logistique humaine et matérielle, de façon rapide et opérationnelle, notamment hospitalière[54]

Ensuite en mutualisant transversalement les capacités humaines de chaque unité d’élite par le biais d’une plate-forme nationale commune qui n’existe pas encore. Qui engloberait les 4 Directions Générales précitées et se déclinerait ensuite sur le plan européen, et mondial. Pour une interconnexion internationale harmonieuse. Car ne nous y trompons pas, en expertisant les stratégies propres à la médecine de catastrophes, aux risques majeurs et aux dispositifs NRBC, on trouve des points de convergence qui pourraient servir de levier à de nouvelles stratégies innovantes. Très opérationnelles.

Enfin, en rendant par État, cette plate-forme accessible par niveau de confidentialité, au grand public, au nom du principe d’accès à l’information environnementale pour le grand public, pilier de la convention d’Aarhus.

Pour autant, cette typologie d’idées novatrices reste pour l’instant bloquée, notamment par l’Agence de l’Innovation de Défense (AID), rattachée au ministère des Armées, auto proclamée « expert référent ». Présidé par un civil, docteur en biomathématiques, spécialiste des questions sur  l’intelligence artificielle et la simulation militaire[55], l’appel à projets du 23 mars 2020[56] de cette agence a porté sur « des  solutions innovantes pour lutter contre le COVID-19 » pour « disposer de propositions pour lutter contre la pandémie de COVID19…[…] la recherche de solutions innovantes, qu’elles soient d’ordre technologique, organisationnel, managérial ou d’adaptation de processus industriels, qui pourraient être directement mobilisables afin de : protéger la population, soutenir la prise en charge des malades, tester la population, surveiller l’évolution de la maladie au niveau individuel et l’évolution de la pandémie, ou aider à limiter les contraintes pendant la période de crise».

L’appel à projet précisait même que ces projets devaient « être d’une maturité technologique suffisante pour être employables pendant l’actuelle pandémie. Ces solutions innovantes devront être facilement et rapidement reproductibles et s’appliquer à l’échelle de l’ensemble du territoire national dans l’enveloppe budgétaire définie. ». Un budget très conséquent en ces temps de crise a même été débloqué de l’ordre de 10 000 000€ TTC, qui vise à financer « un à plusieurs projets d’intérêt. ».

Or Quid de l’indépendance de cette agence, de la nature réelle de ces projets « d’intérêt » retenus, du profil des personnes retenues, et celui des « experts » composant le comité d’évaluation ? Alors même que comme précédemment évoqué, l’armée dispose d’« experts » qui ont dénoncé des failles de la logistique du dispositif NRBC, en terme de moyens. Quid de l’absence d’appel à des spécialistes en médecine des catastrophes, à des experts en stratégies judiciaires, à l’avis du comité d’évaluation par l’Académie des sciences… ?

Ainsi, on peut lire depuis le 7 avril 2020 sur le site internet de la Direction Générale de l’Armement[57] : « Parmi les 1050 propositions de l’appel à projets lancé par le ministère des Armées, celle de la PME francilienne BforCure a retenu l’attention de l’Agence innovation défense (AID) : le projet NOMORECOV consiste à développer un automate mobile, modulaire et connecté pour le dépistage rapide d’une infection au coronavirus (en moins de 30 minutes). Le projet, financé à hauteur de 1,8 million d’euros par l’AID, couvrira les phases de développement, de test et de qualification pour l’obtention d’un premier prototype, attendu d’ici 6 mois. Le projet « Nomorecov » a pour objectif de réaliser un dépistage fiable et rapide sur le site des prélèvements, sans recourir à l’utilisation d’un laboratoire centralisé. BforCure a développé la technologie de diagnostic Fastgene™ permettant de réaliser des réactions de PCR (1) en une dizaine de minutes et ainsi détecter très rapidement la présence de virus. » 

Nous sommes là au cœur de la traçabilité d’une infection virale. Et de la gestion sécuritaire des crises. Or cette question relève de la compétence de véritables spécialistes en la matière, internationaux comme nationaux comme l’expert Jean-Luc Viruega, expert de justice près de la Cour d’Appel de Montpellier. Or de virologues et épidémiologistes, et des spécialistes des médecins de catastrophes.

Alors à cette lecture édifiante, peut-on être en droit de se poser la question de savoir pourquoi le dispositif retenu, s’il est véritablement révolutionnaire, n’a pas été mis en exergue par la PME elle-même dès le début de la crise. Simplement pour avoir le mérite de sauver quelques 50 000 personnes à travers toute l’Europe… Pourquoi avoir entendu l’appel à projet ?

Sachant que l’entreprise retenue existe depuis 2018 « par essaimage de la société ELVESYS, qui conçoit et développe des solutions de bio-détection innovantes destinées au milieu médical et industriel ». Qu’elle a été créée par deux dirigeants ingénieurs, co-fondateurs de plusieurs sociétés innovantes dans les domaines de la microfluidique et des biotechnologies (Elvesys, 4DCell, Cherrybiotech, etc.). Dont un ancien chef des départements CBRN des secteurs public et privé. Et qu’elle travaillerait depuis « Depuis 2013 », avec la direction générale de l’armement (DGA) puis l’AID qui ont « financé, via différents dispositifs de soutien à l’innovation, la maturation de la technologie Fastgene™ détenue par Bforcure. ».

Alors, à l’heure des décès, pénuries de masques, personnels soignants et services d’ordre épuisés, et des conséquences économiques désastreuses, cette information d’importance risque de déplaire. Et de décupler la défiance envers l’État, déjà bien présente depuis les événements des gilets jaunes.

Peut-être alors pourrait-on penser qu’il ne serait pas déraisonnable que le Sénat comme l’Assemblée Nationale ouvrent une enquête parlementaire permettant d’expertiser les modalités d’octroi de ces appels à projet si onéreux, en vérifiant les problématiques éthiques de collusion, de conflits d’intérêt alors qu’on pouvait faire appel à des spécialistes de terrain présents dans des dispositifs efficaces.

            2- Suggestion d’une stratégie reposant sur l’interconnexion environnementale transversale

Au Moyen-Age comme dans certaines tribus encore, l’épidémie était considérée comme un châtiment de Dieu. Aujourd’hui, certains la définissent comme un « ultimatum de la nature » (Nicolas Hulot). Peut-on alors se demander si les préoccupations environnementales deviendront au lendemain du covid-19 des priorités nationales et internationales. Face aux impératifs de relance des appareils productifs. Pour autant les États ont-ils réalisés que les modes économiques actuels sont à la source même des turpitudes sanitaires actuellement subies et que l’appel d’Antonio Guterres, Secrétaire général de l’ONU, à un « cessez-le feu général » mondial n’est autre qu’une demande modernisée aux trêves de Dieu du Moyen Âge ? 

Cette trêve a permis à une accalmie passagère dans des zones de guerre et à des accords historiques comme celui relatif à la baisse du baril du pétrole. Pour autant, les difficultés d’ordre logistique sont mises à mal depuis mars 2020 pour les interventions de services de contre-terrorisme, les missions de soutien de la paix, les médiations ou les inspections internationales. La relance économique mondiale nécessaire amène à des interrogations d’ordre sanitaire.

L’opportunisme stratégique d’acteurs notamment terroristes est donc à surveiller car la communauté internationale se concentre sur la pandémie et sa capacité d’agir est réduite du fait même de cette crise sanitaire, qu’on a trop vite qualifiée de « guerre ». L’opportunisme se manifeste également en politique intérieure, avec des licenciements suspects, et des réformes importantes passées inaperçues (réforme constitutionnelle en Russie, renforcement des pouvoirs de Mohamed ben Salman en Arabie saoudite, concentration des pouvoirs en Hongrie…)

En guise de conclusion pourrait-on donc en conclure que l’épisode du covid-19, cinquante ans après la grippe asiatique et la grippe de Hong Hong, acte le point de bascule d’une vision bio-responsable mondiale des risques sanitaires environnementaux et leur régulation. Qui n’en est qu’à ses balbutiements. Bienveillance, humilité, résistance et union seront donc nécessaires.

Au-delà du covid-19, et de tous les coronavirus qui vont arriver, se pose donc la nécessité d’une vision anticipative des risques sanitaires majeurs, accidentels comme intentionnels. Sous l’angle de nouvelles stratégies sécuritaires transversales encore embryonnaires. Et l’abandon de la théorie du bénéfice-risque en matière environnementale, au nom du principe de sécurité juridique.

Des stratégies nouvelles reposant sur une connaissance transversale des risques, fondée sur des outils d’ingénierie scientifique et contractuelle des risques et le dialogue. Pour mieux identifier, d’analyser et gérer juridiquement les risques présents et potentiels. Et échanger. Afin d’anticiper en terme juridique et technique la gestion des conflits potentiels ou à survenir.

[1]   Convention adoptée entrée en vigueur le 30 octobre 2001, ratifiée par la France le 8 juillet 2002 et entrée en vigueur le 6 octobre 2002.

[2]   Accès à l’information sur l’environnement – Participation au processus décisionnel – Accès à la justice.

[3]   Christian Huygens De ratiociniis in alea ludo 1657

[4]   Arrêté du 30 juin 2010 fixant la liste des micro-organismes et toxines prévue à l’article L. 5139-1 du code de la santé publique

[5]   Virus Arenaviridae (virus Lassa- virus Machupo-virus Sabia) ; virus Bunyaviridae ; virus Hantavirus (virus Andes) ; virus Nairovirus (virus de la fièvre hémorragique de Crimée/Congo) ; virus Filoviridae (virus Ebola, virus Marburg) ; virus Paramyxoviridae (virus Hendra, virus Nipah) ; virus Poxviridae (virus de la variole, virus de l’orthopoxvirose simienne) ; virus coronaviridae (coronavirus responsable du syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS)

[6]   Plan remplaçant depuis 2010 les plans gouvernementaux Piratox, Piratome et Biotox

[7]   Fiche 1 – Conduite à tenir en situation d’urgence avant identification de l’agent pathogène responsable ; Fiche 2 – Charbon ; Fiche 3 – Peste ; Fiche 4 -Tularémie ; Fiche 5 – Brucellose ; Fiche 6 – Agents ; des fièvres ; hémorragiques virales ; Fiche 7 – Variole ; Fiche 8 – Toxine botulique ; Fiche 9 – Fièvre Q ; Fiche 10 – Morve et

     Mélioïdose ; Fiche 11 – Autres infections bactériennes ; Fiche 12 – Autres agents biologiques ; Fiche récapitulative Anthrax ou maladie du charbon (Prs Brouqui &Delmont)

[8]   http://www.unece.org/fileadmin/DAM/env/pp/a_to_i/6th_meeting/Presentations/6TFAI_2a_6_CIDCE_Singla.pdf

          https://www.unece.org/index.php?id=50574

[9]   Cons. const., décis. n° 94-352 DC, 18 janv. 1995, Rec. p. 170, consid. nos 2, 8 et 16

[10]  Extrait de l’article « La stratégie sécuritaire des risques environnementaux à l’aune du principe de sécurité juridique : un outil d’expertise faiseur de paix. » Revue EEI. Lexis Nexis. N°3/2018

[11]  Décision n°2020-854 QPC du 3 avril 2020

[12]  CE. Arrêt du 29 avril 2002

[13]  Cf note 8

[14]  Écrivain, statisticien, essayiste spécialisé en épistémologie des probabilités et praticien en mathématiques financières libano-américain

[15]  « interconnected complex systems have some attributes that allow some things to cascade out of control, delivering extreme outcomes » (Nassim Nicholas Taleb & Yaneer Bar-Yam, « The UK’s coronavirus policy may sound scientific. It isn’t », The Guardian, 25 mars 2020)

[16]  Septembre 1918 – avril 1919

[17]  Guillaume Apollinaire, le peintre autrichien Egon Schiele ou le président du Brésil, Rodrigues Alves

[18]  Mai 1968- mars 1970

[19]  Nov 2002- juillet 2003

[20]  2009-2010

[21]  Organisation Mondiale de la Santé

[22]  Sources OMS https://www.who.int/fr/

[23]  Convention internationale sur l’interdiction de la mise au point, de la fabrication, du stockage et de l’usage des armes chimiques et sur leur destruction ou CIAC du 3 septembre 1992 entrée en vigueur le 29 avril 1997

[24]  Chimical, Biologic, Radiologic  Nuclear device

[25]  Nucléraire, radiologique, biologique, chimiques

[26]  Article 410-1 Code pénal

[27]  Ulrich Beck, Sociologie politique : la société du risque, éditions Aubie, 2001

[28]  NUGA, A/RES/44/236. International Decade for Natural Disaster Reduction, 22th décember 1989

[29]  https://www.who.int/csr/disease/fr/

[30]  L’échelle de Beaufort (classification de l’intensité des vents) ; L’échelle de Fujita améliorée (classement de la force des tornades ) ; L’échelle de Saffir-Simpson (classification de l’intensité des cyclones) ; Échelle de Torro (classification de l’intensité des tornades) ; L’échelle de Mercalli (classification de l’intensité des séismes) ; L’échelle de Richter ( magnitude des séismes) ; L’échelle de Inès (outil de communication conçu pour faciliter l’information du public sur les événements nucléaires et radiologiques

[31]  René Noto, Pierre Huguenard, Alain Larcan, Médecine de catastrophe, éditions Masson, 1994 ; Henri Julien, Manuel de médecine de catastrophes, éditions Lavoisier, 2017, 992 pages

[32]  Matthieu Langlois, Frédéric Ploquin, Médecin du RAID: Vivre en état d’urgence, Editions Albin Michel, 2016

[33]  loi n° 2004-811 du 13 août 2004 de modernisation de la sécurité civile

[34]  https://www.interieur.gouv.fr/Le-ministere/Securite-civile/Documentation-technique/Les-sapeurs-pompiers/La-reglementation-incendie/La-commission-centrale-de-securite-CCS/Avis-de-la-commission-centrale-de-se-curite-CCS-en-2013

[35]  Circulaire n° 700/SGDSN/PSE/PSN du 2 octobre 2018 relative à la doctrine nationale d’emploi des moyens de secours et de soins face à une action terroriste mettant en œuvre des matières chimiques

  • [36]    Décret n° 2014-338 du 14 mars 2014

[37]             https://www.missionnrbc-zoneouest.fr/formation-entrainement/entrainements-exercices/entrainement-interministeriel-zonal/

[38]  https://www.sfmc.eu/evenement/session-nrbc-ensosp-cncmfe-et-sfmc-aix-en-povence/

[39]  Exemple entraînement interministériel NRBC zone sud-ouest des 27 et 28 septembre 2017 sur la base aérienne (BA) 120 de Cazaux ayant pour objectif principal de permettre aux services des différents ministères concourant à la protection et à la sécurité des populations (gendarmerie et police nationales, pompiers des services départementaux d’incendie et de secours, SAMU et armées)

[40]  Décision n°10066/DEF/EMA/MA/DNBC du 7 août 2013

[41]  INSTRUCTION N° 505287/DEF/EMAT/PP/B.PLANS/NRBC relative aux attributions et à l’organisation du centre interarmées de la défense nucléaire, radiologique, biologique et chimique.

[42]  Colonel Laurent GIOT, commandant le CIA2–NRBC- CDEC/DDO – LETTRE DU RETEX–OPÉRATIONS n° 32 – Mars 2017

[43]  Unité sapeurs sauveteurs militaires de l’Unité d’instruction et d’intervention de la Sécurité civile 1 (UIISC 1 – Nogent Le Rotrou) de l’armée de Terre.

[44]  Loi n° 87-565 du 22/07/87 relative à l’organisation de la sécurité civile, à la protection de la forêt contre l’incendie et à la prévention des risques majeurs

[45]  Loi n° 95-101 du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l’environnement

[46]  LOI n°2012-1460 du 27 décembre 2012 – art. 6

[47]  Recommandations OCDE, C(74) 215 du 14 nov 1974 sur l’évaluation des effets potentiels des composés chimiques sur l’environnement

[48]  Ancien vice-président de la Cour Internationale de Justice

[49]  WEERAMANTRY Christopher, La justice manque parfois de vision, 32 pages, page 7, 8 septembre 2008, http://www.ourplanet.com

[50]  https://www.jouve.com/news/know-your-patient-la-nouvelle-offre-sante-de-jouve-pour-lhopital/

[51]  « S.A.R.R.A », David Gruson, Editions Beta Publisher, Tome I publié en 2018, Tome II publié en 2019

[52]  Laure SINGLA, Régulation des conflits environnementaux et médiation au XXIème siècle : plaidoyer pour une vision juridique bio-responsable, éditions PUP, 2020

[53]  Naomi KLEIN, la stratégie du choc : la montée d’un capitalisme du désastre, traduit en français, 2008, éditions Actes Sud

[54]  Décret n°1764 du 30 décembre 2005 relatif à l’organisation du système de santé en cas de menace sanitaire grave ; Guide à l’usage des assistants NRBC du 03.04.2013

[55]  http://www.senat.fr/rap/r18-655/r18-65517.html

[56]  Appel à candidatures AID mars 2020

[57]  https://www.defense.gouv.fr/dga