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Conclusions de la cinquième session de l’Assemblée des Nations Unies pour l’environnement, Nairobi, 2022

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Par Dr Yacouba SAVADOGO, Docteur en droit - Correspondant national du CIDCE - Burkina Faso

La cinquième session de l’Assemblée des Nations Unies pour l’environnement (ANUE) devait se tenir en 2021, mais la pandémie de la Covid-19 a contraint à l’organiser en deux parties : une partie virtuelle (ANUE 5.1), tenue les 22 et 23 février 2021, qui s’est limitée à des aspects procéduraux, en renvoyant l’examen des questions substantielles à une deuxième partie (ANUE 5.2), qui a eu lieu à Nairobi du 28 février au 2 mars 2022 en format hybride.

En rappel, l’Assemblée des Nations Unies pour l’environnement a été créée en juin 2012, lorsque les dirigeants de la planète ont demandé le renforcement et la mise à niveau de l’ONU Environnement lors de la Conférence des Nations Unies sur le développement durable, également appelée Rio+20. En remplaçant le Conseil d’administration du PNUE, l’Assemblée des Nations Unies pour l’environnement, désormais universelle, incarne une nouvelle ère dans laquelle l’environnement est au centre de l’attention de la communauté internationale, au même niveau que des questions telles que la paix, la pauvreté, la santé et la sécurité. Sa création a été l’aboutissement de décennies d’efforts internationaux, initiés lors de la Conférence des Nations Unies sur l’environnement humain à Stockholm en 1972 et visant à créer un système cohérent de gouvernance internationale de l’environnement.

L’ANUE 5 visait à catalyser l’action intergouvernementale en matière d’environnement et à contribuer à la mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030 des Nations Unies et de ses objectifs de développement durable. L’ANUE 5, dont le thème central a été « Renforcer les actions en faveur de la nature pour atteindre les objectifs de développement durable », a été une occasion pour les États membres de partager les meilleures pratiques en matière de durabilité, tout en créant une dynamique qui permettra aux gouvernements de mieux reconstruire en protégeant les écosystèmes et en proposant des solutions fondées sur la nature[1].

L’ANUE 5 a été suivie de la célébration du 50ème anniversaire de la création du Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE). Le thème de l’événement PNUE@50 a été « Renforcer le PNUE pour la mise en œuvre de la dimension environnementale de l’Agenda 2030 pour le développement durable ». Elle a ainsi fourni l’opportunité de réfléchir sur le passé et d’envisager l’avenir au regard de cette thématique. Elle a également donné l’occasion de redynamiser la coopération internationale et de stimuler l’action collective pour faire face à la triple crise planétaire du changement climatique, de la perte de biodiversité, et de la pollution et des déchets.

L’ANUE 5 a adopté deux déclarations : une Déclaration ministérielle – « Renforcer les actions en faveur de la nature pour atteindre les objectifs de développement durable » – et une Déclaration politique pour commémorer le cinquantième anniversaire de la création du PNUE. Elle a aussi adopté plusieurs résolutions et décisions, dont la plus importante et la plus attendue est la résolution intitulée : « Mettre fin à la pollution plastique : vers un instrument international juridiquement contraignant », qui a fait l’objet d’un consensus de la part des États membres.

La Déclaration ministérielle, adoptée le 2 mars 2022, fait ressortir deux points essentiels : (i) l’accent mis sur le constat renouvelé de la dégradation inquiétante des différentes composantes de l’environnement à tous égards ; et (ii) l’engagement de la communauté internationale à renforcer les mesures existantes pour faire face à ces atteintes ainsi qu’à prendre des mesures nouvelles complémentaires afin d’y remédier[2].

Quant à la Déclaration politique commémorant le cinquantième anniversaire du PNUE, elle a préconisé le renforcement de ses missions, tout en appelant tous les acteurs, publics et privés, y compris la société civile, à contribuer à la prise des décisions et à leur mise en œuvre en son sein. Elle a aussi mis en relief la nécessité d’une collaboration et d’une coopération accrues entre les organes des accords multilatéraux sur l’environnement, moyennant une meilleure synergie de leurs actions et de leurs moyens.

Cette Déclaration, qui devrait se pencher sur le rapport du Secrétaire général des Nations Unies sur la mise en œuvre du droit international de l’environnement établi suite à la proposition d’un Pacte mondial pour l’environnement, s’est contentée de rappeler les termes de la résolution 73/333 de l’Assemblée générale des Nations Unies du 30 août 2019 intitulée : « Suite à donner au rapport du groupe de travail spécial à composition non limitée créé en application d’une résolution de l’Assemblée générale 72/277 ». Elle a ainsi réaffirmé les principes de la Déclaration de Rio sur l’environnement et le développement, tout en reconnaissant que le monde est aujourd’hui confronté à des défis différents et doit, en conséquence, renforcer la coopération internationale eu égard à la dimension environnementale du développement durable.

La résolution « Mettre fin à la pollution plastique : vers un instrument international juridiquement contraignant », constitue la réelle innovation résultant des travaux de l’ANUE 5. Elle en a véritablement justifié la tenue, lui évitant d’être réduite à une coquille vide. Cette résolution a été saluée comme un triomphe de la planète Terre sur les plastiques à usage unique. Selon Inger Andersen, Directrice exécutive du PNUE, « il s’agit de l’accord multilatéral sur l’environnement le plus important depuis l’Accord de Paris […], d’une police d’assurance pour cette génération et les suivantes, qui pourront vivre avec le plastique sans être condamnées par lui ». « La pollution plastique est devenue une épidémie. Avec cette résolution, nous sommes officiellement sur la voie d’un remède », a déclaré pour sa part Espen Barth Eide, Président de l’UNEA-5 et ministre norvégien du Climat et de l’Environnement.

La négociation de l’instrument international juridiquement contraignant devrait aboutir d’ici à 2024 pour régir la pollution plastique en traitant l’ensemble du cycle de vie du plastique, c’est-à-dire sa production, son utilisation et son élimination. Un comité intergouvernemental de négociation sera mis en place pour faire aboutir ce projet et faciliter le partage des connaissances et des meilleures pratiques dans ce domaine. Le Gouvernement du Sénégal s’est proposé d’abriter la première session de négociation du futur instrument juridique (qui a eu lieu effectivement à Dakar du 30 mai au 1er juin 2022).

L’ANUE 5.2 a connu une large participation, avec la présence d’une vaste palette d’acteurs représentant 175 États, la société civile, le secteur privé, les grands groupes des jeunes, des femmes, des communautés autochtones, etc. Le ministre en charge de l’environnement de la Norvège, qui a présidé les travaux de l’ANUE 5, a passé le témoin à la ministre en charge de l’environnement du Royaume du Maroc. La Présidente du bureau de l’ANUE 6 a effectivement pris ses fonctions en dirigeant les travaux de la session célébrant les 50 ans du PNUE, les 3 et 4 mars 2022.

Cette grande kermesse sur l’environnement, intervenue 50 ans après la Déclaration de Stockholm et la création du PNUE, 40 ans après la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer et 30 ans après la Déclaration et les Conventions de Rio, n’a certes débouché sur aucun traité, comme ce fut le cas à Rio en 1992, mais elle a lancé un processus pouvant conduire à l’adoption d’un instrument juridique international contraignant sur la pollution plastique.

[1] https://www.unep.org/environmentassembly/fr/unea5

[2]Notamment celle relative la lutte contre la pollution plastique à travers un nouvel instrument international juridiquement contraignant.