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[:fr]La COP2 de la Convention de Minamata sur le Mercure[:]

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Sophie Thirion, représentante du CIDCE à la COP2 de la Convention de Minamata

Décryptage de Sophie Thiriondoctorante et assistante de recherche et d’enseignement à l’Université de Lausanne, au Centre de Droit Comparé, Européen et International (CDCEI)

     La deuxième réunion de la conférence des parties (COP-2) de la Convention de Minamata s’est achevée à Genève le vendredi 23 novembre dernier. Le programme visait à approfondir la rédaction d’instruments indispensables à la bonne mise en œuvre de la Convention, sur des questions essentiellement techniques et financières. Côté institutionnel, la question de la localisation du secrétariat ainsi que de la collaboration entre celui-ci et celui des Conventions de Bâle, Stockholm et Rotterdam (BRS), source de tensions l’an dernier, s’est résolue rapidement cette année. Le secrétariat de la Convention de Minamata a finalement pris ses quartiers à Genève, de manière durable. Finalement, la COP-2 aurait pu être une de ces réunions discrètes qui prépare consciencieusement les futures décisions de la COP. C’était sans compter les tensions qui se sont installées au cours de la semaine sur la conduite de la réunion. Elles ont résulté le dernier jour en un vote à la majorité sur une décision portant sur le mécanisme financier, fait rare dans un forum où le consensus a une dimension presque sacrée.

Avancées techniques

Cette COP-2 a d’emblée été annoncée comme une « working COP », avec un programme dense pour avancer sur des questions techniques complexes. La Convention de Minamata pose des dates d’élimination et vise réellement à en finir avec le mercure. Elle prévoit notamment la disparition de l’usage du mercure dans certains produits et procédés industriels d’ici 2020, et réglemente le mercure tout au long de son cycle de vie.

Les parties ont notamment avancé sur la question de la fixation de seuils concernant la définition des déchets contenant du mercure. La COP-3 décidera s’il est nécessaire d’approfondir les travaux intersessions sur ce point. L’objectif est de déterminer quelles quantités de mercure dans les déchets constitués, contenant ou contaminés par du mercure (ou ses composés) doivent être considérés comme des « déchets de mercure » au sens de l’article 11 du traité. La fixation définitive de ces seuils permettra d’identifier quels déchets sont soumis aux dispositions de l’article 11 et lesquels sont exemptés de ces procédure.

Un autre point technique a été abordé, susceptible d’apporter une précieuse contribution à la mise en œuvre de la Convention : la fixation de codes douaniers pour les produits contenant du mercure. Une requête émanant notamment du groupe africain proposait d’examiner cette question en profondeur lors de cette COP, ce qui a été accordé. En effet la Convention prévoit l’interdiction de la fabrication et du commerce de certains produits contenant du mercure comme les piles, les lampes ou encore certains matériaux à usage médical. Mais en pratique il est très difficile de contrôler les importations de tels produits puisqu’actuellement les codes douaniers ne différencient pas les produits contenant du mercure, des produits sans mercure.

D’autres questions techniques visant à faciliter la mise en œuvre de certaines dispositions par les parties ont été abordées, telles que les émissions et rejets de mercure, les sites contaminés et l’évaluation de l’efficacité de la Convention. Ces points font désormais l’objet de travaux intersessions et seront examinés lors de la prochaine COP. Le cadre pour l’examen de l’efficacité de la Convention devrait pouvoir être adopté lors de la COP-3. Il demande le rassemblement de données de surveillance comparables sur le mercure en provenance de toutes les parties – un travail d’envergure. Enfin les lignes directrices sur le stockage provisoire écologiquement rationnel du mercure ont été adoptées-  la réussite de la COP-2 !

Avancées institutionnelles, financières et conduite des négociations

Le problème majeur non résolu lors de la première COP a pu être tranché avec plus de facilités cette année : le secrétariat de la Convention de Minamata est installé de manière permanente à Genève. Il coopèrera avec le Secrétariat BRS selon des modalités décrites dans la décision de la COP adoptée le vendredi, selon des termes un peu obscurs mentionnant le partage des services pertinents avec les Conventions BRS. L’autonomie juridique de chaque secrétariat a été réaffirmée, la fusion n’aura donc pas lieu.

Le mémorandum d’accord avec le Fonds pour l’Environnement Mondial (FEM) a été adopté le mardi en l’absence d’un des Etats contestataires. L’Iran, avec d’autres Etats qui n’ont pas encore ratifié la Convention de Minamata, reprochent au FEM de refuser de financer des projets environnementaux pour des raisons politiques. Ils souhaitent intégrer au mémorandum une clause portant sur la non-politisation des financements. L’Iran a fait valoir son mécontentement d’avoir vu le mémorandum adopté durant son absence, notamment lors d’un autre incident procédural.

Il s’agissait du réexamen de la décision d’adopter la proposition de l’Union Européenne sur la révision du mécanisme financier, qui avait été adoptée avec des erreurs dans le texte. Cette décision a été rouverte pour adoption avec les erreurs corrigées et l’Iran a tenté de bloquer cette adoption.

L’Iran estimait que la réouverture de cette décision impliquait par souci d’égalité de traitement de toutes les parties, la réouverture de la décision sur le mémorandum. Le président a considéré que comme il s’agissait de réexaminer une décision déjà adoptée, c’était une question de procédure et non de substance soumise, conformément à l’article 45 des règles de procédure, à un vote à majorité qualifiée. La décision sur la révision du mécanisme financier a donc été adoptée au prix d’un vote à majorité balayant l’opposition iranienne, ce qui a suscité le mécontentement de plusieurs Etats.

Instruments nationaux de mise en œuvre

A l’heure actuelle plus de cent Evaluations Initiales de la Convention de Minamata (« Minamata Initial Assessments ») ont été financées et plusieurs ont été finalisées. Ces documents fournissent des informations précieuses sur l’état de la pollution au mercure dans chaque pays candidat et identifient les lacunes existantes pour que législation interne soit conforme aux exigences de la Convention de Minamata.

Le niveau d’avancement des Plans d’Action Nationaux sur l’extraction minière artisanale et à petite échelle d’or est moindre, mais certains Etats ont mentionné lors de la COP, qu’ils travaillaient actuellement dessus. Ces plans d’action sont obligatoires pour toute partie qui, « à n’importe quel moment, constate que les activités d’extraction minière et de transformation artisanale et à petite échelle d’or menées sur son territoire sont non négligeables » (Article 7 CM). Ils sont indispensables pour assurer une transition vers l’exploitation artisanale de l’or sans mercure en tenant compte des défis sociaux et économiques posés par cette transition.

Vers la COP 3 

La finalisation des questions principales sur le plan institutionnel va permettre d’avancer de manière plus sereine vers des avancées substantielles lors de la COP-3. Cela va également dépendre de l’efficacité des travaux intersessions sur les questions techniques.

Plusieurs questions restent à aborder mais certains Etats peinent à les considérer comme prioritaires, en raison du programme de travail déjà conséquent de la COP. Il s’agit de la question de l’amendement des annexes, notamment pour renforcer les mesures concernant la diminution progressive de l’usage d’amalgames dentaires. Ces derniers ne sont pas interdits par la Convention pour l’instant. Celle de la réglementation du commerce de composés de mercure, brièvement abordée lors de la COP-1, n’a pas ressurgi lors de cette deuxième réunion. On espère qu’elle sera abordée rapidement car la possibilité de transformer facilement du mercure élémentaire en composés de mercure et vice versa, permet de contourner les restrictions commerciales actuelles de la Convention de Minamata sur le mercure élémentaire.

Monsieur David Kapindula  (Zambie) a été élu pour assurer la prochaine présidence de la COP. Son élection a été saluée par les délégués, soulignant l’étendue de son expérience dans le domaine des négociations portant sur la gestion écologiquement rationnelle des produits chimiques et déchets dangereux.

Par Sophie Thirion (Sophie.Thirion@unil.ch)[:]

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